Que faut-il applaudir de la mode en 2021 ?
- Augustin Bougro
- 27 déc. 2021
- 5 min de lecture
Encore une année de passée, et voici que, sans surprise, la planète est toujours à bout de souffle. Sans parler des mauvaises nouvelles qui ont été nombreuses à s’enchainer et défiler sur nos écrans tout au long de l’année. Mais si la réputation anxiogène de 2021 n’est plus à démontrer, force est de constater que la mode tentait ces 12 derniers mois de faire bonne figure…et surtout de fournir des efforts, aussi bien du côté de l’écologie que des droits humains. Voici quoi retenir de positif.
Mars 2021
La diligence raisonnable. La mode est un business qui inspire. Sauf lorsque celui-ci met à mal l’environnement et les conditions de travail des travailleurs du vêtement. Le mois de mars 2021 signe alors, pour l’Union Européenne, l’approbation de la proposition de directive sur « la diligence raisonnable obligatoire en matière de droits de l'homme, d'environnement et de bonne gouvernance ». Dans cette veine, lorsque ce projet deviendra une loi proposée par la Commission européenne, une entreprise devra obligatoirement prendre les mesures nécessaires pour à la fois identifier et évaluer « ses impacts négatifs réels et potentiels sur les droits de l’homme tout au long de sa chaîne de valeur ; prévenir, atténuer ou faire cesser ces impacts ; suivre et contrôler l’efficacité des mesures qu’elle a prises ; et rendre des comptes au public » (cf. Les Echos). Chaque préjudice devra tenir pour responsable les entreprises qui devront trouver des remèdes.
Septembre 2021
L’Accord du Bangladesh. Le 24 avril 2013, au Bangladesh, l’usine du Rana Plaza s’effondre faisant plus de 1 100 morts. Dans une chronique du journal Le Monde, cette catastrophe révélait « les formes extrêmes de production qui se cachent derrière la mondialisation ». Après le choc mondial s’en suit l’Accord du Bangladesh, baptisé « Accord international pour la santé et la sécurité dans l’industrie du textile et de l’habillement », qui a été prolongé et élargi dès le 1er septembre 2021 après des négociations entre les syndicats internationaux et les distributeurs. Son objectif ? Améliorer les normes de sécurité et les conditions de travail dans l’industrie textile au Bangladesh, et s’étendre dans d’autres pays.
Le Garment Worker Protection Act. Le 27 septembre 2021, après deux ans de négociations, la Californie adopte le SB 62, aussi appelé le « Garment Worker Protection Act ». Comprendre ici que l’Etat de Californie exige un salaire horaire minimum pour les travailleurs du vêtements et interdit que ceux-ci soient payés au vêtement (ce qui amenait jusque là à un salaire de moins de 3 dollars par heure, soit de l’esclavagisme). De plus, cette loi vise à pénaliser les marques et les fabricants qui optent pour des pratiques illégales à l’image du vol de salaire. Notons que Los Angeles est à ce jour le plus grand centre de fabrication de mode des États-Unis. Frappés par la crise sanitaire, des milliers de travailleurs du textile, rien qu’à L.A., ont été plongés dans une crise économique sans précédent après une série monstrueuse de perte d’emploi. « Ces victoires (cf. SB 62 et Accord du Bangladesh) sont un pas de géant vers une industrie plus équitable, et elles dissipent catégoriquement l'idée que les marques peuvent influencer le changement par leurs propres efforts individuels et volontaires », explique la journaliste Emily Farra pour le Vogue US.
Octobre 2021
Le Green Claims Code. Au mois d’octobre, l’Autorité britannique de la concurrence et des marchés (qui intervient quand l'équilibre de la concurrence est faussé) annonce le Green Claims Code. Avec ceci, les marques qui adoptent le « greenwashing » peuvent, dès le mois de janvier 2022, se trouver hors la loi concernant la protection des consommateurs. Par exemple, si une marque de mode annonce une collection éco-friendly, mais que celle-ci n’indique en rien ce qui la rend véritablement éco-friendly, violera donc le Green Claims Code. Sur la page officielle du GCC, on apprend que « une récente analyse internationale des sites web a révélé que 40 % des allégations écologiques faites en ligne pouvaient être trompeuses ». Ce projet permet donc aux consommateurs de faire le tri entre le vrai et le faux, et aux marques de fournir des efforts concrets en matière de mode écoresponsable.
Mais aussi...
Si la fast fashion continue de vendre et de créer des scandales (comme PrettyLittleThing et son Black Friday gratuit ou TikTok et son challenge #AchatsCompulsifs), d’autres marques s’engagent concrètement dans des projets beaucoup plus slow. On pense par exemple à Fixing Fashion, un projet créé cette année par Alicia Minnaard sous One Army, groupe international qui travaille sur des problématiques environnementales et humanitaires, qui propose en ligne des tutoriels ludiques et rapides pour réparer les vêtements plutôt que de les jeter.
Impossible aussi de passer à côté de la créatrice de mode française Amélie Pichard qui s’engage honorablement pour une mode résolument plus responsable. Après son sac entièrement réalisé à partir d’une feuille, celle qui s’éloignait cette année du tumulte de Paris pour se ressourcer à la campagne (ce qui, d’ailleurs, en dit long sur notre société post-confinement), donne le ton de sa nouvelle approche mode sur son site commerçant : « Chaque produit Amélie Pichard est fabriqué par des artisans qui s’efforcent de préserver un savoir-faire millénaire menacé de disparition, à travers le monde. J’ai adopté le modèle de la précommande qui permet de lutter contre la surproduction et le gâchis. Je m’érige contre la culture de la surconsommation où le rythme effréné des soldes saisonnières pousse le consommateur à vouloir toujours plus de nouveauté, toujours plus rapidement », lit-on dans les premières lignes d’un paragraphe engagé.
La précommande, un service de plus en plus en vogue, adopté aussi bien par les créateurs de mode que par la nouvelle génération qui, inspirée par TikTok, se lance dans des projets mode pour rafistoler les vêtements ou en faire des DIY (Do It Yourself), comme vu dès 2020 avec l’émergence de la tendance tricot et grandmacore. Car on n'est jamais mieux servi que par soi-même, et ça, la jeunesse en est bien consciente.
Et concernant la fast fashion, celle-ci tente de redorer son blason. On le comprend avec ASOS qui, main dans la main avec le Center for Sustainable Fashion, a publié son Circular Design Guidebook en novembre 2021. Ce projet se veut fort de neuf stratégies de conception circulaire d'ASOS, parmi lesquels les matériaux innovants, recyclés, les déchets réduits au minimum, le zéro déchet, le reconditionnement/recyclage, la durabilité, la polyvalence, la mono-matérialité et le démontage. Le même mois, Puma dévoilait les contours de son projet RE:SUEDE. L’idée : développer une nouvelle paire de baskets durables, ce qui s’inscrit dans le cadre du recyclage des déchets dans l’industrie de la chaussure.
Finalement, si les crises sanitaires, économiques, climatiques, politiques et sociétales affectent l’industrie de la mode, force est de constater que la fast fashion et ses prix concurrentiels sont toujours aussi attrayants…Mais que 2021 fait la part belle aux projets innovants, et surtout concrets. Exit les belles paroles : poussée par une nouvelle génération ultra connectée, plus connue sous l’appellation Gen Z, la mode n’a désormais pas d’autre choix que de s’adapter et fournir recto-verso les preuves de ses efforts en matière de durabilité (et honnêteté). En route pour 2022 ?
Par Augustin Bougro
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